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sur un fil d'encre
8 septembre 2012

Les heures sonnées, le temps compté

 

100_0552

Les cloches de l'église mesurent le temps qui passe et repasse. Distraite, j'entends leur tintement depuis l'ordinateur, assise à côté de la fenêtre dont la vue s'ouvre sur le clocher. J'ai oublié de compter les coups. Pas grave ! Dans cinq minutes, elles re-sonneront. Les voilà. Cette fois, aux aguets, je compte. Un, deux, trois, quatre coups. Il est quatre heures de l'après-midi. En bonne citadine, je vérifie sur ma montre si l'oreille ne m'a pas trompée. Croire ce que l'on voit ou ce que l'on entend? C'est tout l'écart entre le monde de l'écriture et celui de l'oralité.

Dans notre village, l'église sonne deux fois, la première pour avertir, la deuxième pour annoncer. René Salles, dans "Si le temps m'était compté" écrit : pour pouvoir se rendre maître du temps, il faut pouvoir l'annoncer." Deux amis chers, animateur et animatrice d'ateliers d'écriture dans le Sud Ouest sont venus nous rendre visite ces jours derniers et dormir à la maison. Lorsque le clocher  a sonné l'Angélus du soir, ils l'ont écouté avec plaisir. De même, les coups répétés des heures qui passent. Un son clair au timbre vibrant qui troue le silence du bourg. Ensemble, nous avons habité les heures tandis que  le sablier du jour se dévidait. Je les ai prévenus que la nuit aussi, le temps ici était compté et les heures sonnées. Un de nos fils, venu en vacances, s'en était inquiété. Il craignait pour son sommeil d'urbain. Je l'avais rassuré. Il s'y ferait vite, à cette musique venues du fond des âges.

Nos amis, eux, ne craignaient rien. Ils m'avaient assurée que ce tintement ne ferait que ponctuer et habiter le silence paisible du lieu. Nous venions d'origines rurales, comme la majorité des citadins qui l'ont oublié. Petits déjà, nous avions entendu la chanson des cloches. Sans elles, nos ancêtres auraient été bien perdus sur le chemin de la vie, privés de repères pour connaître le temps... Celui de partir au travail, celui d'en revenir, le temps de déjeuner et d'aller se coucher. Sans les appels à la volée, ils n'auraient pas su les baptêmes et les mariages, les fêtes et les réjouissances auxquelles se mêler. Sans la plainte du glas, ils n'auraient pas pu se signer en hommage à ceux qui s'en étaient allés. Et sans les appels répétés du tocsin, ils n'auraient été avertis du danger (celui du feu ou de la tempête).

Mais déjà les cloches sonnent une première fois. Pour avertir. Vite, je compte les coups. Cinq heures. Les amis s'en sont retournés. Une deuxième fois. Je reste seule avec Pierre. Le soleil est radieux en cet été prolongé. Je me dis que bientôt viendra l'heure de l'Angélus.

Ici, le temps s'égrène, la vie s'écoule, le bonheur bruit et je m'apaise. Très doucement la douleur s'endort tant elle paraît vaine et inopportune au coeur du temps compté. On ne dérange pas les cloches qui sonnent. Etrangement, elles me rappellent que je fais partie de la communauté des hommes et des femmes qui, comme moi, les entendent ou les écoutent. Dans l'haleine tiède du jour qui décline, dans l'ombre du soir qui m'enrobe, je saisis le petit carnet vert et j'écris. Peut-être est-ce ma manière de faire résonner le temps?  

   

 

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Commentaires
C
Temps qui file, qui défile, qui se défile.<br /> <br /> Temps partagé et temps découpé.<br /> <br /> Temps guetté et temps de gaieté.<br /> <br /> Temps écouté, temps écourté.<br /> <br /> Par tous les temps, j'aime le temps conté par toi, Annemarie.<br /> <br /> Et comme Clémentine et d'autres, j'ai un réel plaisir à lire tes billets !<br /> <br /> Clarence
S
@Clémentine<br /> <br /> J'aime bien cette petite phrase "Le calme recouvre le tumulte et non l'inverse." Elle si plein de belle sagesse. Je retrouve bien là le sens profond de ce que j'ai voulu faire passer dans ce texte. Que ce soit le tumulte de la ville ou de la vie intérieure, les cloches ne s'y laissent pas prendre et nous invitent à faire de même. Je suis très sensible à ta belle présence de lectrice de mes billets. <br /> <br /> @Coumarine<br /> <br /> Le tableau,c'est l'Angélus de Millet. Il figurait souvent sur nos cahiers d'écolier. En plein champ dans une lumière descendante, deux paysans, un homme et une femme ont arrêté le travail des champs et prient, penchés vers un panier posé sur le sol. Ce qui est fascinant dans ce tableau, c'est qu'il dégage moins la religiosité qu'une forme de célébration du temps qui passe, du rythme de la vie.. et de la mort. J'éprouve quelque chose de cet ordre-là en entendant sonner l'Angélus. Me revient en mémoire les deux bébés morts de ma grand-mère maternelle avant la naissance de ma mère. J'aime penser que l'Angélus invite à les évoquer, sachant que d'autres vies (et annonciations par l'Ange) les suivront. Tu m'as permis par ton évocation de mettre une représentation sur ces sons. C'est très fort et très juste. <br /> <br /> @Alainx<br /> <br /> Ecrire au son des cloches, les laisser ponctuer le temps et les phrases... que voilà un belle image qui en dit long sur tes voyages intérieurs dans le temps et l'espace. Très touchée aussi par tes mots sur mon écriture.
A
Près de chez moi, il y a un campanile, qui sonne chaque quart d'heure. Lorsque le temps le permet, j'écris dehors, dans mon jardin et je l'entends sonner. Il rythme mon écriture. Chaque fois que je l'entends, c'est comme une respiration ou une ponctuation.<br /> <br /> <br /> <br /> Lorsque j'étais gamin, on me disait que les cloches partaient à Rome, avant Pâques pour ramener des oeufs… aujourd'hui, les cloches restaient là, dans le campanile, et c'est moi qui pars en voyage quand je les entends. Parfois elles m'emmènent sur des terres que j'aime, là-bas, et c'est comme si j'y étais…<br /> <br /> <br /> <br /> Merci pour ce billet, si bien écrit, et qui m'a évoqué tout cela…
C
car moi aussi en lisant ton billet j'entends la cloche de l'église appeler les derniers fidèles à la messe du dimanche<br /> <br /> Cette cloche sonne aussi toutes les heures (dans le silence de la nuit, au coeur des insomnies, on peut les compter et s'encourager... bientôt le matin...)<br /> <br /> Elle sonne aussi les demi-heures... alors là elle s'acharne un peu en vain... ce tintement passe le plus souvent inaperçu<br /> <br /> Ton billet baigne dans la douceur d'un tableau peignant l'angélus (j'ai oublié le nom de ce tableau célèbre...)... comme on est loin des bruits de la ville!
C
Coucou Annemarie, <br /> <br /> <br /> <br /> Au moment où je lisais ton billet, confortablement installée au jardin, j'entendais les cloches de l'église voisine. Comme un clin d'oeil sonore à tes mots:) Résidant près d'une grand ville, j'entends en bruit de fond les voitures, les avions, le bus... Mais quand je suis dans mon jardin le silence de la Nature recouvre ces signes de la vie urbaine. Le calme recouvre le tumulte , et non l'inverse. Les cloches habitent le silence en lui donnant une touche d'humanité. Face aux bruits de la modernité, elles ont comme un parfum "d'ancien temps".<br /> <br /> J'ai le même sentiment quand j'entends le chant du coq:)<br /> <br /> <br /> <br /> Te lire est un réel plaisir:) Je guette tes billets, et même si je ne commente pas à chaque fois , je les apprécie beaucoup:)<br /> <br /> <br /> <br /> Clémentine
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  • blog littéraire et de réflexion sur la place de l'écriture dans la construction et la transformation d'une histoire de vie. Approche de l'autobiographie, du récit de vie, de l'animation d'atelier d'écriture et de l'édition littéraire.
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