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sur un fil d'encre
27 septembre 2012

Impasse de l'espérance

100_0638

Photo: A. Trekker

Cette fois encore, j'ai espéré y échapper. Grimper sur l'échafaudage des images, des sons, des mots pour passer au-dessus de cette rue sans issue. Rentrer à la maison le coeur joyeux après un long voyage, comme Ulysse.

Pourtant la nier ne sert à rien.  Trop souvent j'ai tenté de passer outre sans m'y arrêtrer. Toujours elle m'a rattrapée avec son air de ne pas y toucher, souriant de toutes ses lettres blanches sur fond bleu nuit... pour mieux me croquer. Elle riait, la bougresse, en refermant sur ma chair tendre sa machoire implacable.

Je me suis prise au jeu de la semer, la parcourir au galop. Vite fait, vite oublié.... Qui ai-je cru duper dans cette course contre la montre? Paisible et bien accrochée sur son pieu de bêton, elle m'a regardée m'essouffler avant de me cueillir d'un geste lent alors que je tentais de reprendre ma respiration. 

J'ai cherché à l'amadouer, m'en faire une amie. Mais comment cheminer au bras d'un impasse?

Alors cette fois, j'ai choisi de l'affronter en face à face. Je l'ai prise en photo, capturée dans mon petit Kodak rouge. Et je l'ai contemplée. J'ai perçu son manège, saisi ses feintes et aperçu son visage masqué. Je l'ai vu s'approcher à pas de loup dès la veille du retour et m'attaquer de dos, en traître. Pourquoi, diable, avions-nous choisi de faire étape dans cette jolie ville posée au bord de la Loire et décidé de dîner dans ce charmant restaurant qui nous obligeait à passer le pont, à la nuit tombée? Elle était là, tapie dans les flôts sombres où je voyais naviguer les corps des disparus. Pourquoi ce guet-apens? Un cauchemar, la nuit, viendrait ouvrir une porte de l'énigme. Il fallait déposer le corps du mort qui se trouvait dans ma chambre à la morgue où d'autres feraient sa toilette mortuaire.

Sur la route, le lendemain, j'ai repris le volant et j'ai roulé en essuyant d'un doigt, dans un mouvement discret d'essuie-glace, les larmes qui coulaient sur mes joues. Il m'a semblé qu'il était temps de les laisser doucement laver mon désespoir.

Je sais que cette histoire peut paraître triste et j'ai hésité à vous la raconter. Mais en y repensant, j'ai réalisé qu' il s'agissait au contraire d'une histoire tendre et douce... celle d'une rencontre avec le coeur de la blessure d'enfance. Il m'a semblé que d''avancer à deux, main dans la main, la femme et l'enfant, il était possible, et même probable, qu'ils arrivent un jour à faire le tour de l'impasse de l'espérance. Ils s'apercevraient alors qu'elle est entourée de jolies villas et de grands jardins. Ils souriraient de leur crainte de n'arriver jamais à en ressortir. Car ils auraient compris qu'il suffit de faire le chemin en sens inverse pour retrouver le point de départ et poursuivre le voyage.

 

 

 

 

 

 

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Commentaires
S
Je cherche le chemin en écrivant, Célestine, et c'est ainsi que doucement, j'avance. Tu as raison : au bout de l'impasse, il y a la sortie. Qu'importe le temps qu'il faut pour la trouver pour autant qu'on sache qu'elle existe.<br /> <br /> Merci de m'accompagner!
C
Très fort. Et la sortie de l'impasse est pour bientôt, je le sens. Sinon, pourquoi en parler?
F
Bonsoir ! Ce billet est à l'image de ton dernier livre, "Sarah ..." que j'ai lu en trois épisodes. Magnifique. Je t'en parlerai de vive voix. Ce livre a déclenché un processus lacrimal quasi tari depuis quelques années et Dieu que cela m'a fait du bien.<br /> <br /> Je t'embrasse,<br /> <br /> Filo
A
C'est un texte prenant, où il faut comprendre entre les mots. Tout du moins, essayer d'approcher ce qui est dit sans l'être.<br /> <br /> Y a-t-il vraiment des impasses dans nos vies ?<br /> <br /> C'est une question que je me suis souvent posée. Certes, existe le sentiment d'être dans une impasse. Que les possibles espérés se ferment ou sont fermés définitivement.<br /> <br /> Si l'impasse s'appelle espérance, alors c'est qu'elle ne peut que s'ouvrir un jour.<br /> <br /> Parfois il y a dans des larmes des clés pour les portes closes.
F
Ce texte beau et triste m'a interpelée et m'a fait réfléchir sur la différence entre une impasse et un obstacle, toute la difficulté étant de déterminer si l’on est face à un obstacle, que l’on pourra envisager de surmonter, parfois de contourner, beaucoup plus rarement d’ignorer, ou si l’on s’est engagé dans une impasse,qui ne se traverse pas et ne se contourne pas vraiment non plus, mais qui implique, si l'on ne veut pas rester coincé là à tout jamais, de rebrousser chemin, avec des compagnons de voyage souvent inattendus. <br /> <br /> Merci pour cette incitation à la réflexion - et pour tes textes que je lis avec plaisir.
sur un fil d'encre
  • blog littéraire et de réflexion sur la place de l'écriture dans la construction et la transformation d'une histoire de vie. Approche de l'autobiographie, du récit de vie, de l'animation d'atelier d'écriture et de l'édition littéraire.
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