Verlaine et le miroir de l'hiver
(photos A. Trekker)
L'hiver est arrivé blanc et transparent comme je l'aime. Froid, très froid.
Envie de le traverser pour trouver refuge dans la chaleur d'une taverne.
Nous connaissions sa terrasse l'été au bord de la Lesse, face au château.
Cette fois, nous avons passé la porte intérieure et ce fut le ravissement.
Les tables et chaises en bois d'origine, la vieille armoire,
le poêle à bois en fonte noir bordé par le coussin du chien,
les tableaux craquelés de paysages sombres de l'Ardenne.
Le patron attablé au fond de la pièce, un journal grand ouvert devant lui,
un couple de vieux habitués qui buvaient un chocolat chaud en silence,
le dos tourné à la porte, le visage et le corps offerts à la chaleur du foyer.
Nous avons salué d'un "bonjour" indispensable dans le pays
avant de nous glisser autour d'une table près du sapin enguirlandé de blanc.
Un homme est entré, fort, costaud comme ceux d'ici et d'antan.
La patron s'est levé, lui a serré la main et a engagé la conversation en wallon.
Fernand, c'est son prénom, a commandé une bière.
Ils ont causé du froid et des bêtes, de la chasse et de la pêche.
La fille de la maison nous a servis, on lui a souri.
Pierre a échangé quelques mots sur le gel de la Lesse avec elle.
A ce point, c'était rare. A cause du peu de pluie de l'automne et des très basses eaux de l' hiver.
J'ai dit que j''étais venue prendre des photos, la rivière était superbe.
Elle a hoché la tête. Oui, c'était beau !
Trois personnes sont entrées avec un petit garçon.
On s'est salué, puis la femme m'a reconnue.
C'était Anne, engagée elle aussi dans la promotion du livre et de l'écriture.
On s'est embrassée et j'ai serré la main de ses compagnons..
C'était bon d'être là. On avait l'impression de se trouver entre soi.
Un peu comme quand, petite, je revenais en Ardenne ou en Lorraine,
à la ferme, au village, dans la famille maternelle.
On se voyait peu mais on savait tout de suite qu'on était du même monde,
alors je m'apaisais, j'écoutais, je regardais et je me taisais.
Rien à démontrer, rien à prouver. Juste être là, chez nous.
M'est revenu en mémoire le livre de Guy Goffette que je viens de lire,
sur "Verlaine d'ardoise et de pluie". Un livre d'hiver qui évoque les séjours
de ce grand fou de neveu, chez sa tante à Paliseul.
Je me souviens avoir interprété le colloque sentimental lors d'un des concours à l'Académie
Dans le vieux parc solitaire et glacé/ deux formes ont tout à l'heure passé...
Pas besoin de papier, surtout pas d'écran, pas même de paroles,
la poésie ici s'inscrit toute seule sur la trame du jour, du gel et du poêle.